Port-au-Prince: Une scolarité en créole pour les enfants haïtiens
L’objectif: Construire un avenir meilleur pour les enfants haïtiens en leur permettant de suivre une scolarité dans leur langue maternelle, le créole.
Le défi: La vaste majorité des jeunes haïtiens ne parle pas le français, et pourtant la scolarité se fait exclusivement en français dès le CP. Cela signifie des échecs scolaires à répétition, lourds de conséquences sociales. La langue et la culture haïtiennes sont dévalorisées. A l’heure actuelle, les supports pédagogiques en langue créole sont quasi-inexistants.
Les besoins: Avoir accès à des supports pédagogiques en créole permettra aux enfants de mieux vivre leur scolarité. Un vivier de 400 histoires illustrées créées par des élèves haïtiens attend de voir le jour. Une équipe d’étudiants-ingénieurs haïtiens est prête à transformer ces histoires en applications numériques en langue créole. 60€ couvre le coût d’un stage de 5 semaines pour la création d’une application.
Contribution de Cohérence: 2 400€ (40 applications)
Avec votre aide et en partenariat avec les étudiants de 1ère année de l’ESIH, l’Ecole Supérieur d’Infotronique de Port-au-Prince, Cohérence soutient en 2016 la création d’applications numériques pour l’apprentissage de la lecture en créole, à destination des enfants haïtiens de l’école primaire.
Pourquoi ce projet? En Haïti, seule 5% de la population s’exprime couramment en français. Pourtant, dès le primaire le français reste la langue d’apprentissage privilégiée à l’école ainsi que dans les manuels scolaires. De ce fait, la langue maternelle des jeunes haïtiens, le créole, souffre d’une image dévalorisée à leurs yeux, synonyme de pauvreté et de non éducation. Cette situation bloque l’évolution sociale de trop de jeunes et porte atteinte à la capacité des générations à s’auto-déterminer.
Pourtant en 1982, la Réforme Bernard consacrait le créole comme langue officielle et d’enseignement au même titre que le français, qui devait être introduit progressivement en tant que 2nde langue, afin de permettre aux élèves d’atteindre un bilinguisme en 3ème cycle.
Or, Michel DeGraff, professeur linguiste au MIT et originaire d’Haïti, affirme que l’enseignement dispensé en français en Haïti ne fonctionne pas. Il suffit pour cela d’écouter les élèves apprendre par cœur. “La plupart du temps, ils cassent la phrase au milieu, ce qui signifie qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils étudient”.
Michel DeGraff s’appuie sur la recherche pour démontrer que l’on apprend beaucoup mieux dans la langue que l’on parle couramment. Selon lui, l’utilisation d’une autre langue pour l’instruction freine l’ensemble des apprentissages scolaires et entraîne l’échec scolaire, telle “une tragédie qui se répète de génération en génération”.
Aujourd’hui, une volonté politique est à l’oeuvre pour que les choses changent en Haïti. Le Ministère de l’éducation lui-même soutient la nouvelle Académie Créole créée en décembre 2014, et dont la vocation est de promouvoir le créole dans tous les secteurs de la société haïtienne, notamment comme outil pédagogique dans l’éducation de la maternelle à l’université ainsi que dans la formation des enseignements en créole.
Parallèlement, un large programme de distribution de tablettes numériques est en cours dans les écoles primaires, avec le soutien de plusieurs ONG internationales. Le but est d’accompagner l’évolution du système éducatif en créole et de palier au manque de manuels scolaires, en particulier dans les zones rurales. Le projet de création d’applications en créole, par les étudiants haïtiens de l’ESIH, s’insère dans la logique de cette initiative.
Lire aussi: Revisiter le rôle du linguiste dans les sociétés créolophones, Michel DeGraff Haiti’s new policy for teaching in Kreyòl et Hughes Saint-Fort, Le «marché linguistique» haïtien: fonctionnement, idéologie, avenir.